Clément Lavallez, consultant spécialisé en finance durable au sein d’Amadeis, revient pour Amélie Laurin et Laurence Boisseau, journalistes marchés financiers au quotidien Les Echos, sur le rôle de l'analyse extra-financière dans l'affaire Orpéa.
Extrait de l'article « Après l'affaire Orpea, quelle crédibilité pour les notations extra-financières ? »
Les fraudes aux contrôles antipollution chez Volkswagen, le désastre des conditions de travail chez certains fournisseurs de Boohoo en Angleterre et maintenant des soupçons de maltraitance chez Orpea. A chaque fois, les analystes qui évaluent les facteurs ESG (Environnement, Social et Gouvernance) et sur lesquels les gestionnaires d'actifs s'appuient pour décider de leurs investissements durables et mesurer leurs risques n'ont rien vu venir.
Au contraire, Orpea était plutôt mieux perçu que ses pairs par les principales agences de notation extra-financière. Gaia Rating (EthiFinance), ISS-Oekom, MSCI, Sustainalytics : toutes lui avaient attribué une note supérieure à la moyenne, selon le document de référence de la société publié début 2021. En septembre 2021, la note de risques de controverse d'Orpea fournie par Sustainalytics était de 2 sur une échelle de 5.
Cette affaire ravive les critiques à l'égard des fournisseurs de notations ESG. Elle montre une fois de plus que la dégradation des notes intervient a posteriori alors que l'analyse extra-financière est censée détecter les problèmes éventuels en amont.
Clément Lavallez, Amadeis
Comment ces agences de notations extra-financières ont-elles pu passer à côté des dysfonctionnements qui viennent d'être dénoncés par le livre « les Fossoyeurs » de Victor Castanet ? Comment s'y prennent-elles précisément pour noter les entreprises ? « Nous nous appuyons principalement sur les données que publient les sociétés dans leurs déclarations de performances extra-financières, et sur des réponses aux questionnaires qu'elles leur ont envoyés en complément », explique un dirigeant de l'une d'elles. Quand aucune donnée n'est disponible - ce qui est fréquent -, ces agences ont souvent recours à des estimations. Chaque agence ESG établit ses propres critères, sur la base de son évaluation de la pertinence de chacun de ses indicateurs pour chaque secteur. Parfois, elles ont un contact avec elles, mais ce n'est pas systématique. « Or, le contact direct amène souvent des moments de vérité », remarque un gérant spécialisé ESG.
Extrait de l'article « Affaire Orpea : le dilemme des fonds actionnaires »
Le conseil d'administration a réagi en mandatant deux cabinets pour faire la lumière sur l'affaire et a débarqué dimanche Yves le Masne, le directeur général d'Orpea. Mais le Canada Pension Plan , premier actionnaire avec 15 % du capital et deux administrateurs, ne souhaite pas commenter l'affaire. Le sujet est sensible pour ce fonds qui gère le régime de retraite de 20 millions de Canadiens. Même retenue chez Peugeot Invest, holding coté de la famille Peugeot et deuxième actionnaire depuis dix ans, avec 5 %.
En dehors de ces blocs, les détenteurs de titres Orpea sont principalement des fonds gérés pour compte de tiers.
Pour la plupart des investisseurs institutionnels, les maisons de retraite ont une connotation sociale positive. Ils se sont très volontiers positionnés sur les fonds dits « durables » ou « thématiques », qui misent sur le vieillissement de la population.
Il y avait déjà eu des polémiques, mais la perception des gérants est restée positive et soutenue par de bonnes, voire très bonnes notes ESG, et par le besoin de 110.000 places en Ehpad en France d'ici à dix ans.
Clément Lavallez, Amadeis
Au-delà des questions extra-financières, les performances boursières exceptionnelles du groupe ont forcément séduit. Depuis 2012, il n'a connu que deux années de performance boursière négative (-9 % en 2018 et -6 % en 2020). L'action a bondi de près de 30 % en 2017 et en 2019.
Pour lire l’intégralité des articles publiés par le journal Les Echos, cliquez sur les liens suivants :
- « Affaire Orpea : le dilemme des fonds actionnaires », article du 1er février 2022
- « Après l'affaire Orpea, quelle crédibilité pour les notations extra-financières ? », article du 2 février 2022